Photos de haut en bas : Jean Guéhenno, Fernand Braudel, Blaise Cendrars.
Le 29 juillet 1914, le suisse Blaise Cendrars publie (alors qu'il vient de faire passer quelques poèmes dans le Sturm de Berlin), avec Canudo (un excité méridional des Pouilles monté à paris pour mettre la pagaille dans le cinéma français), cet appel à la guerre contre l'Allemagne :
“L’heure est grave !
Tout homme digne de ce nom doit aujourd’hui agir, doit se défendre de rester inactif au milieu de la plus formidable conflagration que l’histoire ait pu enregistrer.
Toute hésitation serait un crime.
Point de paroles, donc des actes.
Des étrangers amis de la France qui ont pendant leur séjour en France appris à l’aimer et à la chérir comme une seconde patrie, sentent le besoin impérieux de lui offrir leurs bras.
Intellectuels, étudiants, ouvriers, hommes valides de toute sorte-nés ailleurs, domiciliés ici, nous qui avons trouvé en France la nourriture matérielle, groupons nous en un faisceau solide de volontés mises au service de la France.”
Signé : Canudo, Blaise Cendrars, Léonard Sarlius, Csaki, Kaplan, Berr, Oknotsky, Isbicki, Schoumoff, Roldiref, Kozline, Esse, Lioschitz, Frisendahl, Israilevitch, Vertepoff.
Concernant l'engagement de Cendrars, Albert t'Serstevens, son meilleur copain, note : "Je m'en voudrais de parler ici [l'engagement de Cendrars] d'amour pour la France et autres poncifs tricolores. C'était pour lui une merveilleuse occasion de satisfaire son gout pour l'aventure, et la guerre était sans doute la plus chaude que pu rêver un homme de sa trempe. Il s'est battu dans la craie de champagne comme il l'avait fait dans les cabarets d'Anvers, mais avec beaucoup plus de fougue et d'abnégation. Il a conservé de cette bagarre et de ses copains un souvenir ébloui qui se manifesta dans ses livres. Il a passé tout le reste de sa vie à espérer le retour d'une pareille fête."
Et puis il dit quelques lignes plus loin que, de toute manière, Blaise était incapable de faire du mal à qui que ce soit, et qu'il a du passer dans sa vie peut être une semaine maximum dans le grand port belge.
A propos de ce même engagement, mais vu du coté des académiciens, Braudel et Guéhenno discutent en buvant des verres dans un bar au sortir du boulot, en face de l’académie. Avec l'alcool les langues se délient. Braudel racontera plus tard : "Un soir, Jean Guéhenno soutenait avec vivacité contre moi qui m’efforçais de défendre le Péguy de 1914 : "Cette guerre de 14 n'était pas mon affaire". Le destin l'y avait engagé mais il n'avait jamais pu "croire tout à fait au fond de lui même" qu'elle fut "vraiment la sienne". J'avoue, que je suis mal préparé à comprendre une telle perspective, peut être parce que, contrairement à Jean Guéhenno, breton, qui place la patrie au dessus de la nation, je pense en homme de l'Est, adossé à l'appareil unitaire de la France, conscient que sa liberté dépend de cette unité et de la vigilance qu'elle implique."
SA
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