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samedi 2 avril 2011

Toubab 1 : Un animal doué de raison ?


                     Bar de l'Alliance Française de Ziguinchor, "une ville sous-préfecture en folie"


C'est la règle, quand deux toubabs (toubab : blanc en Afrique francophone) se croisent, ils se regardent avec une indifférence timide et vaniteuse, chacun est une star qui marche dans la rue en espérant garder son anonymat. Si l'on croise une brochette de toubabs en allée, alors que l'on est seul, l'ignorance réciproque sera superbe. Si le français blanc est mal à l'aise dans son rapport au groupe, auquel il se soumet pourtant corps et âme, quand il ne peut pas faire autrement, il est encore plus mal à l'aise dans sa relation à lui même, et préserve son individualité, comme un territoire, contre toutes tentatives d'intrusion de la part d'autrui. L'Africain est, bien sûr, toujours suspecté d'être intrusif, mais le compatriote, l'autre toubab, client régulier du luxuriant bar tropical du centre ville d'une "sous préfecture en folie" comme Ziguinchor ou Bobo Dioulasso, n'est pas mieux considéré. D'autres européens, comme les Italiens et les espagnols, sont considérés comme des princes ou des radins, aléatoirement, par les autochtones qui, malgré tout, s'acharnent à satisfaire les besoins de ces touristes un peu ploucs. A l'opposée, au dire des locaux, les toubabs français seraient de plus en plus difficile à fréquenter, parce qu'ils sont antipathiques, mais aussi, parce qu'ils entrent facilement en concurrence avec les africains. En effet, le français montre souvent le besoin de vivre comme l'autochtone et de s’identifier à lui, mais, si le toubab va rechercher l'acoquinement avec l'habitant, ce dernier va rapidement pragmatiquement lui faire de l'ombre, l'un des deux sera vite de trop au soleil.

Cette reconnaissance de l'étranger en tant que mètre étalon, peut donner l'illusion d'un principe de"métissage" qui signerait la culture française du voyage. Ce rapport à l'autre est cependant totalement intransitif, il est plutôt à considérer comme une penchant psyco-sociologique pour la compréhension, sans réciprocité. Par comparaison, en Guniée Bissau, par exemple, il y a véritablement créolisation. C'est à dire que les portugais couchent sans contraceptifs avec les guinéens et fréquentent les mêmes bibliothèques. Ils partagent l'epos (la mémoire) l'ethos (la culture), le genos (la parenté), le logos (la langue), le topos (le lieu)....sans plus de difficultés. Ce n'est pas le cas du tout dans l'ancienne Afrique Française, ou le "fromage bien blanc" fraîchement sorti de l'avion, se transforme en beau "jambon rougeau" sous le soleil tropical, et fait contraste avec la mélanine des habitants. On se demande si c'est en réaction à cela, qu'ont été inventé des concepts comme la Négritude ou l'Ivoirité, ainsi que la pertinence de cet anoblissement de la couleur africaine, dans la mesure où il s'oppose à une palette française qui fait plutôt référence à la vitrine fromage / charcuterie du traiteur du quartier.

Quelle peut être la psychologie de ces toubabs, de Paris ou de Province, qui se promènent nonchalamment dans les ruelles africaines, à des décennies d'études après le bac, et tous les symptômes d’inhibition physique et de cérébralité intellectuelle qui vont avec : le front plissé, barré par les sourcils, le dos maigre, musculeux et voûté, plein de contractures, chez les hommes comme chez les femmes, ces dernière qui ont en plus les seins placés trop bas, et qui tombent, faute d'usage, comme souvent chez les intellectuelles. Leur tête est certainement mieux faite, car elle n'est pas très pleine en vérité. C'est, en effet, un savoir efficace qui les possède, comme la joie de déambuler 5 minutes dans les rayonnages de la bibliothèque du Centre Culturel Français, avant de s'embarquer en 4x4 revitaliser la culture régionale de la cambrousse à l'occasion d'un festival jazz un peu cucu. Ces espèces de Francs, filles et fils de Clovis, qui cachent leur atavisme germanique derrière un accent français à couper au couteau, toujours plus parisien, à mesure de la monstrueuse croissance de cette ville, pleinement macrocéphale, qui s'énonce en un sourire coincé, une ouverture biaisée vers l'autre, une agressivité latente : "chai pas enfin heuuu jveux dire, le truceuuu le machinheuuu, twoi csqujwedire ?..en parlant du steak frite à 3000 Francs sur la carte du restaurant ou, de la même manière, de l'exposition d'un artiste local totalement nul. Ce ramage extraordinaire compense le trop blond plumage nordique délavé par l'apprêté du climat des pays chauds, la clope dans le bec remplace le fromage de la fable.

Forgée au feu de la colonisation et du progressisme durant cette époque historique de crétinisme aiguë qu'était le Second Empire, la compréhension de la révolution industrielle par les français n'a pas été une réussite. Conséquence directe, le toubab, chez lui, en France, a l'habitude d'user plusieurs fois par jours, sans même s'en rendre compte, des infrastructures à grande capacité, pour lesquelles il paye cher, et qui forment un espèce de ciment national : sa centrale nucléaire au plutonium, son TGV, son autoroute, son hypermarché, sa capitale mondiale, Paris. Il en résulte une path dependancy, comme disent les anglais, ou encore une dépendance à l'infrastructure qui rendrait les gens butés et obsédés, comme si le moteur ou le goudron, ou l'hypercentralité d'une ville, bridaient l'imagination. Si le toubab des tropiques n'emporte pas ses infrastructures avec lui dans ses bagages, son comportement et sa psychologie restent déterminés. En pratique cette maladie s'exprime par l'illusion du "libre choix", exactement comme une liste de course qui donne l'impression au client d'avoir le choix entre les millions de produits de l'hypermarché de Monsieur Leclerc, alors qu'il ne fait que suivre docilement sa liste écrite à l'avance par rapport à l’énorme catalogue du magasin qu'il a fastidieusement appris par coeur. Il en va de même sur les routes d’Afrique où le français y poursuit, en rêve, ses inventaires de supermarchés et son besoin d'énergie inépuisable à satisfaire. 

L'Africain francophone, dont le pays est pauvrement doté en infrastructure, qui étudie, a étudié, ou voudrait étudier, ou travailler, en France, peut faire montre légitimement d'une réflexion intellectuelle envers le pays des toubabs. C'est bien là son drame, parce qu'il risque alors de reprendre à son compte, sans la comprendre entièrement, la règle du "choix sacré" et l'usage intensif de la comparaison qui l'accompagne. Les Africains qui font leurs affaires avec les toubabs, qui marchent distinctement à leur coté, ou se posent comme des individus libres face à eux, et engagent même parfois avec le toubab des jeux de "bras de fer", finissent pourtant, toujours, à errer sur le bord de la route goudronnée, êtres possédés, les yeux hagards, le regard fou. Tant l'usage du monde des français est corrosif et vicieux. Pensons à ces millions de toubabs métropolitains dans leur "territoire aménagé". Comment leur monde étrange, totalitaire et qui fait l'éloge de la liberté en même temps, est-il supportable, ne serait-ce que quelques minutes ? 

SA

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